Le 20e dôjôkun d’Okinawa

Le 20e dôjôkun d’Okinawa
Voici plusieurs générations – avons-nous appris dans le dernier «Contact» – que les maîtres du karate okinawaïen égrènent un collier de perles spirituelles nommées «dôjôkun». Ces kun ou «préceptes» sont au nombre de vingt dans la dernière transmission officielle effectuée par Gishin Funakoshi. Après le premier, qui mettait en surbrillance la vertu de politesse, laissons fleurer le dernier, le vingtième. On pourrait procéder autrement, certes. Mais les kun eux-mêmes – nous le verrons bientôt – invitent à réunir les polarités…

Le 20e dôjôkun d’Okinawa
Quel nectar nous réservent donc les anciens, aujourd’hui ? «Tsune ni, shinen kufû seyo.» : «Fait (seyô) de l’examen des schémas mentaux (shinen kufû) ton ordinaire (tsune ni).» Sans nous engouffrer dans des discussions byzantines, relevons d’abord un détail véhiculé par le texte même, dont nous pourrons peut-être assaisonner notre pratique. Pour évoquer la «pensée», le 20e dôjôkun exploite la liberté qu’offre la tradition orale okinawaïenne : SHI-NEN peut en effet s’écrire de deux manières :

Le second idéogramme – NEN – qui reste le même, recouvre les notions de «sens, désir, idée, attention, souhait». Le premier, par contre – SHI –, veut dire tantôt «penser» (dans l’écriture de gauche, cidessus) tantôt «sens, signification, force» ou… «expert, intelligent, délicieux, bon» (suivant l’écriture de droite1). Cela peut sembler anodin, mais on en tire tout de suite une implication pratique qui vaut son pesant d’or : chercher en toute chose le contenu positif permettant de progresser. Voici quelques suggestions en ce sens, ratifiées aujourd’hui par les spécialistes de la communication ou du coaching sportif :

• Modéliser l’expertise au lieu de focaliser son esprit sur les problèmes, sur ce qui ne marche, sur ce qui manque. Le philosopheescrimeur Alain l’avait répété lui aussi en coeur avec bien d’autres : «Il faut mimer la santé, non la maladie».

• Fixer des objectifs formulés positivement (pour soi-même aussi bien que pour autrui). Les expressions «Entraîne-toi pour ne pas être tué !», «Arrête de fumer !», «Je refuse d’être traité de la sorte !», par exemple, gagnent à être refaçonnées en schémas de pensée édifiants : «Entraîne-toi pour faire valoir ton intégrité physique», «Prends d’abord ce patch anti-nicotine !», «Je veux que tu me demandes la permission, dorénavant.». Ces manières de dire et de penser énoncent clairement soit les valeurs positives qu’on entend promouvoir, soit le comment d’un changement qu’on souhaite installer.

• Dans les situations conflictuelles du quotidien, enfin, le 1er dôjôkun nous avait invités à briser le schéma mental de réactivité violente. Contrepointé par le dernier kun, il nous suggère encore une fois d’ajouter à nos constats négatifs – chaque fois qu’une incivilité ou un problème nous heurte – un petit grain de sable positif : c’est un exercice merveilleux en effet que de pouvoir compléter un «quel con, ce type, il m’a fait une queue de poisson !» par un «…et il a sacrément confiance en lui». Ou un «Je suis décidément nul, par rapport aux autres pratiquants de la section» par un «… et j’ai le mérite de venir m’entraîner». Une véritable alchimie sur nos états internes, à déguster sans modération !

Ajoutons pour conclure que la détection de nos schémas de pensée répond entre autres choses à une exigence-clef, en budo : s’adapter (principe rinkioken). De nombreux conflits ou problèmes naissent du simple fait qu’une personne – indépendamment même du contenu abordé – s’exprime en utilisant certains schémas, et son interlocuteur des schémas opposés. Pour brosser une situation très simple pratiquée durant nos stages de karate, nous demandons à un élève de discuter avec un autre en n’utilisant que des schémas «visuels» (« je vois la situation», «c’est pas clair», «faudra l’avoir à l’oeil, sinon l’horizon va s’assombrir», etc.). Son partenaire n’emploie que des tournures linguistiques de nature gustative («c’est pas à ton goût ?», «un cours aux petits oignons», «il trouvait un peu fort de café», etc.). Trois minutes de ce dialogue de sourds et… gare à l’agacement ! Effet garanti ! Imaginez donc avec les schémas plus «acérés» que décrit la psychologie : orientation vers le passé, le présent ou le futur, engagement proactif ou réactif, attention sur les différences ou sur les ressemblances, centrage sur soi ou sur l’autre, découpage perceptif global ou spécifique, et ainsi de suite. Le 20e dôjôkun nous rappelle en somme, si besoin était, que le budo n’est de loin pas qu’affaire de performance physique (tai) ou de compétence technique (gi), mais aussi – «surtout», d’après mes sempai au Japon – d’esprit (shin).
 
Maurizio Badanaï

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