Jutsu/Do

Différences historiques et philosophiques entre deux formes de pratique...

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Il existe, en Occident, une confusion étonnante en ce qui concerne les «arts martiaux»; que ce soit dans la conversation, la presse ou le cinéma, ce dernier ayant largement contribué à embrouiller les esprits.
Ce sujet m’intéressant particulièrement, je vais tenter, dans la mesure de mes connaissances, qui sont loin d’être exhaustives, de démêler pour vous cet écheveau complexe que représente la multitude d’arts de combat dont on ne sait plus très bien s’ils appartiennent au spectacle, au cirque, au sport, au combat, à l’auto-défense, au théâtre, ou à une philosophie quelconque.

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Je pense qu’il est très important de connaître les grandes différences qui existent entre tous ces arts: par respect historique, tout d’abord, et également pour pouvoir les pratiquer dans l’esprit qu’ils prônent. Pratiquer une discipline dans un esprit contraire à celui pour lequel cette discipline a été créée peut mener à de véritables aberrations. Imaginez un combat de iaido, ou un kata de boxe anglaise.
Parmi la pléthore d’arts de combat que notre société de consommation met à disposition de tout un chacun, il n’est fait aucune différence entre les arts japonais, chinois, coréens, vietnamiens, et j’en passe. Le Kravmaga israélien et la Capoeira brésilienne sont assimilés aux «arts martiaux» tout comme le Sambo russe ou le Pentjak Silat indonésien.

Connaissant principalement le Japon, j’ai pu constater qu’un art martial est profondément, intimement lié à la culture du pays dont il est issu, et je pense que cet aspect culturel n’est ni développé, ni même considéré, dans les arts martiaux tels qu’ils sont pratiqués de nos jours.

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Comme il serait trop compliqué de parler des arts martiaux en général, je vous demande la permission de me limiter aux arts japonais seulement puisque tel est aujourd’hui notre propos.
Je crois qu’il faut tout d’abord distinguer un art martial d’une discipline martiale. Si l’on utilise les termes adéquats, les formes en jutsu et les formes en do. Le kyujutsu n’est pas le kyudo et vice versa. Pour comprendre cette différence, il faut remonter dans l’histoire du Japon, jusque vers le 17e siècle.
Du 11e au 16e siècle, le Japon a souffert d’une grande quantité de guerres civiles. Chaque Seigneur de guerre était maître en sa province. Le pays entier regorgeait de guerriers en armure et les batailles rangées étaient fréquentes. Au début du 17e siècle, trois Japonais entreprirent l’unification du pays, Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Ieyasu Tokugawa, dans cet ordre, et non sans problèmes, réussirent à unifier le Japon sous une dictature sévère, mais qui a eu le mérite d’arrêter les effusions de sang.
Cette dictature a duré plus de 250 ans. On la nomme l’ère de Tokugawa, ou encore Edo Jidai (Edo, aujourd’hui Tokyo, devenant la nouvelle capitale de l’Empire du Soleil-Levant). Au début de cette longue période, le grand nombre de guerriers désoeuvrés fut un sérieux problème.

C’est alors que la pensée zen et le Néoconfucianisme, ainsi que des guerriers particulièrement éclairés réalisèrent un véritable miracle. Ils décidèrent de continuer à s’entraîner comme avant, mais en changeant le but de leur pratique: il ne s’agissait plus de tuer un adversaire, mais de travailler à son propre ego, à son enrichissement personnel. Le sabre qui tue devint le sabre qui donne la vie. Il est évident que cela ne s’est pas fait sur quelques années. Ce fut un long processus avec beaucoup de ratés.
Toutefois, on peut dire que les arts martiaux se terminant en jutsu et qui avaient comme priorité l’efficacité à tout prix se muèrent progressivementen disciplines martiales se terminant en do, qui ont comme priorité le travail sur soi-même, la poursuite d’une quête mentale qui devrait les mener à l’illumination (satori).

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Le passage des formes jutsu en formes do eut comme conséquences, sur le plan technique, beaucoup de changements. Les techniques à haut risque furent bannies, et les autres techniques sensiblement édulcorées, car il s’agissait de ne pas se blesser pour pouvoir pratiquer le plus longtemps possible.
Cependant, les formes en jutsu, donc les arts martiaux, continuèrent d’être pratiquées dans un souci de préservation des techniques ancestrales, et aujourd’hui encore, elles existent dans des écoles traditionnelles, plus fermées que les formes en do, surtout à l’Occident.

Il faut maintenant faire deux autres distinctions : les arts martiaux classiques (kobujutsu) et les arts martiaux modernes (shinbujutsu), ainsi que les disciplines martiales classiques (kobudo) et les disciplines martiales modernes (shinbudo).
En ce qui concerne les arts martiaux, la différence est la suivante: dans un art martial classique (avant le 17e siècle), l’ennemi étant en armure, la présence des armes est une constante (sojutsu, naginatajutsu, etc).
De plus, l’adversaire est généralement un guerrier professionnel. Dans les arts martiaux modernes, les formes à mains nues sont courantes, et dans le cas des arts d’arrestation utilisés par la police, par exemple le taihojutsu, l’adversaire est souvent ignorant des arts de combat. En ce qui concerne les armées d’aujourd’hui, la technologie et les armes à feu font qu’un soldat n’a plus obligatoirement un contact visuel et intime avec son adversaire. Sur le plan mental, cela change beaucoup de choses.

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Pour ce qui est des disciplines martiales classiques (kobudo) et modernes (shinbudo), la différence est également importante. Une discipline martiale classique est pratiquée au travers de kata (formes préarrangées) et exclu totalement la compétition sportive.
Elle doit également être antérieure à l’époque Meiji, donc à 1868. Dans les disciplines martiales modernes, les aspects sportif, compétitif, ludique et récréatif sont devenus une priorité absolue, avec tous les débordements que l’on sait. Elles sont généralement issues de la fin du 19e siècle à nos jours. En fait, il ne se passe pas une année sans qu’une nouvelle discipline martiale ne soit créée sous le nom d’art martial.

En espérant que vous me suivez toujours, je pense qu’il est important de se situer dans une de ces grandes catégories dont je vous ai brossé un portrait un peu simpliste, car chacune d’entre elles propose un travail différent qui correspond à un besoin spécifique.
Malheureusement, nombres d’enseignants occidentaux ne sont pas très au clair de ce qu’ils tentent de promouvoir au travers de l’art qu’ils enseignent, et leurs élèves n’ont d’autre choix que de les suivre là où ils les emmènent.

J’aimerais terminer en donnant mon point de vue d’Européen en ce qui concerne les disciplines et arts martiaux japonais. Tout d’abord, je ressens une reconnaissance infinie à la culture japonaise qui a donné au monde entier une telle méthode d’entraînement du corps et de l’esprit, dans des arts d’une rare élégance. Il y a en effet partout dans le monde des dojo, et les pratiquants de bujutsu et de budo se comptent par dizaines de millions d’hommes, de femmes, et surtout d’enfants.

En tant qu’Européen, je pense que le devoir prioritaire des pratiquants non-Japonais est de rechercher dans ces arts les valeurs humaines universelles qui s’y trouvent à foison, telles que le courage, la bienveillance, la constance, l’harmonie, l’élégance, l’honnêteté, le respect du lieu et de l’adversaire, la connaissance du corps et de l’esprit, le contrôle des émotions, la dignité, et j’en passe. Toutes ces valeurs sont universellement appréciées, et par notre pratique sérieuse et régulière, nous pensons contribuer à les propager par le biais sublime des disciplines et arts martiaux japonais pour que le monde soit plus paisible et plus responsable.
 
Pascal Krieger

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